Hello kittens,
Sans plus attendre, voici la suite de nos épisodes "favoris" (entre guillemets, parce que... faut l'dir' vite... ^^)
Jour 24 : lundi 6 avril. Réveil tranquille. Je traîne au petit déjeuner et à me préparer. Rien ne presse, rien ne m'attend, rien de spéciale de prévu, sauf la piqûre du chat à heures fixes... Me voilà tranformée en infirmière à domicile (pour chat seulement... je n'ai pas les compétences nécessaires pour faire plus que des piqûres sous-cutanées). J'ai enfin des nouvelles d'une Youtubeuse que l'on savait malade (mon mari a consulté son compte Twitter) : https://www.youtube.com/watch?v=nfvv5dWHJ3I. Elle a été contaminée par le covid-19 presque au début de l'épidémie alors qu'elle prenait plein de précautions (What the f... ?!!!). Je ne vais pas dire que j'ai choppé une crise d'angoisse à visionner sa vidéo, mais je dois bien admettre que j'ai senti une oppression dans la poitrine pendant une bonne dizaine de minutes, ne serait-ce que par compassion avec son angoisse car elle vit en direct son pire cauchemar, et qu'il est aussi un peu le mien... Le scénario catastrophe de l'épidémie mortelle qui se transmet dans la population à vitesse grand V et contre laquelle le(s) gouvernement(s) ne peut(vent) rien, c'est pas vraiment ma tasse de thé... (Voir les jeux vidéos et les séries télévisées du genre Walking dead pour ne citer que cette horreur !). Le fait d'habiter en campagne dans un département tardivement touché me permet d'avoir un peu de recul et un sentiment de sécurité quant à mon domicile. Du coup, je ne suis pas perpétuellement sous pression à me demander ce qui pourrait bien être contaminé ou contaminant ; surtout que les conseils de mon médecin traitant m'avaient assez bien rassurés. Mais là, je suis encore sous le coup de l'émotion que m'a laissé cette vidéo en rappelant que la situation que nous vivons est juste un traumatisme à l'échelle de la population. Je me dis que je m'en tire plutôt bien avant de me souvenir que je fais effectivement tout pour. En effet, dans une vidéo-conférence de Boris Cyrulnik, j'avais appris il y a quelques mois que les personnes qui mettent des mots sur ce qu'elles vivent lors d'un événement traumatisant ne gardent généralement pas, ou très peu, de séquelles à la suite de ce traumastisme. On peut se dire que ceux qui communiquent sur les réseaux sociaux ont plus de chance de bien s'en tirer par rapport à ceux qui sont très isolés... Et là, me vient à la conscience le pire "effet kiss cool" (cf pub) qui soit pour les personnes les plus faibles de la société : les SDF : ils sont isolés, non protégés car sans domicile, et (pour ceux qui ont le plus de bol...) harcelés par certains policiers sans imagination... Alors, s'ils ont du papier et un crayon à disposition pour pouvoir exprimer la terreur qu'ils sont en train de vivre, ben ils sont très chanceux !!! Bonjour le traumatisme... C'est vrai qu'ils n'ont pas encore assez morflé dans leur chienne de vie... (pas la peine de me taxer de naïveté, je sais très bien que tous n'ont pas eu des parcours sans tache... et alors, ça justifie qu'on ne compatisse pas à leur sort ?).
Cet après-midi, je profite d'une éclaircie (car le temps est mausade) pour faire une petite ballade le long de la route (un petit aller-retour de cinq minutes en lisant des psaumes) et je me réjouis de sentir la "bonne" odeur de bouse de vache qui me rappelle mon enfance. Et là, je m'arrête en y pensant. Non ! Ce n'est pas possible, ma madeleine de Proust ne peut quand même pas être l'odeur de bouse de vache ! Pour la littéraire que je suis (et oui, littéraire et matheuse, ça peut arriver à des gens bien, vous savez...^^), c'est une découverte assez peu glamour... Et puis je me rassure, car cette "délicieuse" odeur ne fait que me ramener dans des sensations vagues de l'enfance sans me rappeler d'événement précis, contrairement à celle de l'herbe-à-Robert, odeur poivrée et caractéristique d'un petit géranium sauvage qui me renvoie sans cesse à ce chemin creux de bord de voie ferrée où il poussait en abondance au point de remplir ce passage de son parfum habituellement à peine sensible lorsqu'on le croise dans les bois. Oui, ma madeleine de Proust s'appelle "herbe-à-Robert" et fleure bon la campagne, comme la bouse de vache, mais en plus agréable, tout de même... ^^
En ce Carême, je reçois des propositions de méditation par internet. Celle d'aujourd'hui me demande quelle figure de Jésus surgit habituellement dans ma prière. Ma réponse, après celle de l'ami à qui on peut tout confier, était celle du maître, mais du maître à l'écoute des besoins (les vrais besoins, pas ceux que l'on croit avoir...) de ses serviteurs pour mieux les servir. Si je l'écrit ici alors que je ne l'ai pas fait pour les autres propositions de méditation, c'est parce que je me suis rendue compte que cette image du Christ était aussi ma conception de ce qu'est un bon chef ou un bon gouvernant. Un bon chef est d'abord au service de son équipe pour qu'elle donne le meilleur d'elle-même dans sa mission (pour le gouvernant, c'est le service de son peuple). Ce bon chef va être à l'écoute des capacités et des propositions des uns et des autres, pour savoir dans quelle tâche ils épanouiront leur(s) qualité(s) de la meilleure façon qui soit. Il va les coordonner et prendre les décisions qui favoriseront le mieux le bien commun et la mission dans laquelle l'équipe est engagée de manière à ce que tous soient gagnants, même si, de manière individuelle, les membres de l'équipe ne sont pas forcément gagnants comme ils l'imaginaient, mais personne n'est laissé sur la touche et tous y gagnent quelque chose. Et du coup, la seule chose qui ferait que l'un des membres de l'équipe y perde, ce serait qu'il rejette le projet en bloc et n'accepte aucune négociation, s'excluant d'emblée et par lui-même du projet. Ayant été directrice de centre aéré, c'est de cette façon que j'ai géré mon équipe, n'hésitant pas à demander l'avis et les idées des membres de mon équipe et à délaisser mes propres idées en faveur de la proposition d'un(e) animateur(trice) si je la trouvais meilleure que ce que j'avais projeté. En faisant des membres de l'équipe des co-créateurs des projets d'animation plutôt qu'en leur imposant mes vues, je leur permettait de s'investir davantage dans une création qui leur appartenait et qui, du coup, avait du sens pour eux. Et dans la mesure où c'est ainsi que je conçois la gouvernance, j'ai du mal à admettre un discours du genre : "Mon idée est la meilleure, alors suivez-moi sans discuter et faites-moi confiance parce que je sais tout mieux que vous". Et malheureusement, cette dernière phrase illustre parfaitement le mode de gouvernance choisi par notre grand-gourou de président...
Ce soir, j'ai regardé une vidéo qui parle du droit du travail qui a été juste écrasé du pied par la ministre du travail et du manque de sécurité dans les entreprises (https://www.youtube.com/watch?v=yqBAiPQHPAY&t=1s). Le journaliste a pris comme exemple une ouvrière d'une usine de chocolaterie qui a réouvert après 10 jours de fermeture. C'est vrai que les 60 heures par semaine (48h maxi en moyenne sur trois semaines, je crois...) et le peu de précautions pour protéger la santé des travailleurs, c'est très inquiétant. Et le journaliste de conclure qu'on laisse travailler des postes non essentiels comme les chocolats de Pâques ou les pâtes de fruits... Bon, honnètement, les chocolats de Pâques, je m'en soucie comme de ma première couche-culotte (c'est-à-dire pas du tout), mais même si je touche assez peu au chocolat, Carême oblige, je ne peux pas m'en passer totalement en ces temps particulièrement anxiogènes. Autant, en temps normal, je pourrais dire : "me passer de chocolat, ça m'embête, mais je peux", autant en ce moment, avec les coups de blues ou les crises d'angoisses qui guettent le moindre relâchement de ma vigilence (Oui, moi aussi, je suis en guerre... contre la baisse de moral !), je suis contente de pouvoir compter sur quelques carrés de chocolat pour m'aider à tenir le coup. Cela semble idiot, vu comme ça, mais quand on regarde les 14 besoins fondamentaux de Virginia Henderson, il y a le besoin de se récréer, c'est-à-dire de se détendre, se cultiver ou s'investir dans une activité qui n'a rien à voir avec le travail ou une problématique personnelle. Or on ferme tout ce qui n'est pas alimentaire ou santé (a juste titre, certes) et on dit que acheter des fraises Tagada, c'est irresponsable... Non, je ne suis pas d'accord. Faire des courses rien que pour ça ou se faire livrer seulement ça, oui, là c'est irresponsable, mais avoir besoin ne serait-ce que d'un peu d'alimentation dite "de confort", ça peut être nécessaire pour aider à affronter cette situation angoissante, de même qu'on peut avoir besoin du rayon loisirs des grands magasins ne serait-ce que pour acheter un nouveau magazine de mots fléchés parce qu'on a terminé celui qui traînait à la maison depuis trois ans (mince alors, c'est fou tout ce qu'on peut se faire comme activités de loisirs dans une journée quand on n'a que ça à faire et qu'on ne veut surtout pas trop gamberger parce que bonjour l'angoisse... - Bon, c'est une situation imaginée, mais qui me semble assez réaliste, quand même...). Tout cela pour dire qu'il faut peut-être réfléchir avec un peu de recul et de façon équilibrée et se dire que le loisir est aussi essentiel que l'hygiène et l'alimentation et que, à propos de l'alimentation, un peu de douceur ou de diversité, ça aide à tenir le coup... (les pâtes-à-tous-les-repas, ça ne soigne certainement pas la mélancolie, si vous voulez mon avis...)
C'est l'herbe-à-Robert, mignon, non ?...^^
Jour 25 : mardi 7 avril. Ce matin, je pars en expédition : je vais faire nos courses hebdomadaires (le frais, ça ne tient pas plus d'une semaine et on n'a plus de pain non plus...) Les gens se sont-ils disciplinés eux-mêmes ou le magasin n'a-t-il plus de vigile ? Toujours est-il qu'il n'y a pas de queue et que je rentre librement dans le magasin. Tandis que je fais mes courses, je constate qu'il y a plus de gens avec des masques sur le visage que la semaine dernière (et certains sont manifestement cousus-main), mais il y a aussi des personnes sans protection particulière et qui ne font pas attention aux distances de sécurité (une petite vieille cherche ses yaourts habituels et maugrée de ne pas les trouver en passant sa tête par-dessus mon épaule. Je l'ai regardé de travers et elle s'est excusée. Chassez le naturel... et moi, je deviens parano... Je ne sais pas ce qui est le pire... Pauvres de nous ! : - /) Le gel hydroalcoolique est toujours absent des rayons et il n'y a plus la moindre solution antiseptique en vue... Heureusement que j'ai acheté de l'alcool à 70° chez le pharmacien, sinon j'aurais un vrai problème pour soigner mon chat car je dois désinfecter la zone de piqûre à chaque fois... Bref. Comme je protège mes mains avec des gants de ménage, j'ai un peu de mal à sortir mes cartes de mon portefeuil. Je grogne un peu avant de m'excuser auprès de la caissière : elle est plus exposée que moi. Elle se montre compréhensive et gentille. Nous devrions tous suivre son exemple, moi la première... En arrivant à la voiture, je me rends compte que j'ai oublié de prendre des oeufs et diverses autres denrées que je n'avais pas pensé à mettre sur la liste de courses mais qui seraient bien utiles. Après avoir rangé mes premières courses, je repars dans le magasin en me moquant de moi-même et surtout de mon impréparation. A la caisse, des clients sont étonnés de me voir les bras encombrés de denrées alimentaires. Je leur explique ma bêtise en peu de mots. Ils me disent qu'ils se trouvent parfois dans le même cas et reconnaissent que cette situation les perturbe autant que moi, "et ça vva encore durer..." conclut l'un d'eux. Après avoir soupiré de conserve, nous nous séparons car une caissière vient d'ouvrir une nouvelle caisse et m'invite à y décharger mes bras encombrés. Ouf ! ça fait du bien ! Dans le fond, je trouve que les gens font preuve de patience les uns envers les autres, c'est agréable. On dirait que cette crise nous réapprend à être humains... même si j'ai l'impression d'avoir un peu de retard dans le processus (enfin, surtout quand je fais les courses, car je suis un peu trop en mode stress. Si j'arrivais à déstresser un peu, je crois que je pourrais peut-être me montrer plus patiente envers les étourdis qui oublient de respecter les distances de sécurité, par exemple...)
Cet après midi, vers 15h, une camionnette de pompiers passe sur la route et s'arrête devant chez nous. Le pompier demande après un voisin qui habite à deux-trois champs de là (ouais, c'est com' ça qu'on compte à la campagne.... ça se voit que j'en fais trop ? ^^) Sur le coup, j'avais crains pour une voisine assez âgée, qu'elle se retrouve en détresse respiratoire à cause du virus. Il n'en est rien. C'est un voisin d'une trentaine d'années, mais pour savoir ce qu'il lui arrive... ben, faudrait briser le confinement... Alors, je me résous à attendre des nouvelles et à espérer que ce ne soit pas le virus et que ce ne soit pas un accident grave... Il ne reste plus qu'à prier pour lui... Ce mini-événement a légèrement secoué ce petit coin de campagne tranquille (et même ultra-tranquille depuis le confinement : il n'y a presque plus de voiture qui passent...), j'ai aperçu les voisins à leurs fenêtres, et le calme revient presque aussi brusquement qu'il a été rompu... La vie reprend son cours comme si de rien n'était... Bon, j'en étais où, avant cette interruption ?...
Les réparations de vêtements avancent quoique lentement (du coup, je ne fais presque plus de crochet...) Au magasin, j'ai trouvé des élastiques à coudre, mais pas de la taille idéale pour faire des masques (et en plus elles coûtent cher !), mais j'ai trouvé du ruban extra-fort. Ainsi, je vais pouvoir faire des lanières. Ce n'est pas l'idéal, mais ça peut quand même remplacer les élastiques (après tout, les masques chirurgicaux classiques sont à lanières...) Il faut juste que je me décide à me remettre à faire des masques. Depuis mon coup de blues, j'ai momentanément abandonné ma machine à coudre...
Ce soir, je regarde la messe chrismale de mon diocèse, en différé car le direct a planté et mon mari n'a pas eu la patience d'attendre qu'il se remette en route. C'est la seule messe que le diocèse a retransmis car, comme l'a dit l'un des vicaires généraux, la messe chrismale est particulièrement propre à un diocèse donné, et ils tenaient (l'évêque et les vicaires généraux) à la faire partager au plus grand nombre de paroissiens du diocèse. Ils ont même bravé le confinement pour célébrer cette messe à la cathédrale même. A part les prêtres, l'organiste et quelques chanteurs de la maîtrise, la cathédrale était vide. ça a du leur faire tout drôle de célébrer une messe aussi importante devant des chaises vides... En tout cas, j'ai été heureuse et émue de pouvoir assister de chez moi à cette messe, d'autant plus qu'habituellement, c'est la seule messe de la semaine sainte à laquelle je n'assiste pas car elle se déroule toujours dans la ville de l'évêque et c'est vraiment trop galère pour se garer (sans compter que la cathédrale est bondée et que moi, la foule, j'en suis plutôt phobique...)
Jour 26 : mercredi 8 avril. Aujourd'hui, c'est lessive... et je continue ma couture en regardant les nouvelles. C'est fou ce que ça peut être long de recoudre du linge à la main. J'y passe presque toute la journée. Le reste du temps, je médite beaucoup. Et pas seulement sur les Evangiles... les messages postés sur facebook me donnent du grain à moudre... Comme celui d'un artisan boulanger outré de voir une de ses clientes se faire verbaliser pour être allé chercher du pain (un déplacement pour une baguette, c'est pas permis... et encore moins à vélo... ). D'accord, c'est pas fameux de ne pas optimiser ses déplacements dans le contexte actuel, mais ils vivent comment, les petits commerces si la seule optimisation possible, c'est les grandes surfaces... Alors le pauvre boulanger conclut qu'on veut détruire l'artisanat et les commerces de proximité (ouais, on n'a pas attendu le covid pour ça...). Et j'ai vu des extraits d'une autre vidéo qui dit que le capitalisme est mort et qu'il faut repenser l'économie... Alors je me demande si ce n'est pas parce que le capitalisme sent arriver sa fin prochaine qu'il est aussi agressif avec les travailleurs... Comment se fait-il que nos politiques continuent de raisonner en mode ultralibéraliste même au coeur de cette crise sanitaire quand leur priorité supérieure devrait être la sauvegarde de la population ? Même Pétain n'aurait pas fait une erreur pareille ! En fin de compte, la dictature prend des visages divers et variés, mais c'est toujours de la dictature. Seulement, là, c'est difficile de croire que c'est pour notre bien...
Ce soir, je regarde le début d'une vidéo qui explique que certains directeurs d'hopitaux reprochent aux soignants de se plaindre du manque de protection ou de leur mauvaise qualité (une infirmière a été priée de retirer une vidéo où on la voit essayer une sur-blouse qui se déchire au moindre mouvement - super, la protection !), l'un d'eux a même mis a pied une déléguée syndicale qui a seulement remonté les craintes et les demandes pressantes de ses collègues. Et voilà, maintenant, ce sont les patrons qui s'essayent à la dictature locale. Oui, c'est la dictature du "tout va bien même si ça va mal". C'est bizarre, ça me rappelle une chanson dont le titre s'appelle "tout va très bien madame la marquise". C'est une chanson qui date de la fin du dix-huitième siècle, celui de la Révolution Française. Si je me souviens bien, à l'époque, le peuple s'était révolté pour des raisons assez similaires à celles-ci. On dit que l'histoire se répète...
J'ai l'impression qu'il n'est pas nécessaire d'être prophète pour annoncer la fin d'un monde. Elle était annoncée déjà depuis longtemps, mais il semblerait que le covid-19 a précipité le mouvement. Est-ce pour nous envoyer plus rapidement dans le mur, ou nous permettre de bifurquer avant qu'il ne soit trop tard ? Nous ne le saurons, malheureusement qu'après le confinement...
Sur cette conclusion, je vous donne rendez-vous au prochain chapitre. Je viens d'apprendre que le confinement est prolongé... Quelle surprise...
A la prochaine,
Kitty